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#06 La chaumière.

Le nom qu’on leur a donné… Résidences secondaires (suite).

Elle est jeune, la trentaine florissante, cheveux raides et longs, son vélo tenu à deux mains est arrêté et elle en est descendue, sans doute pour lui parler. Elles se croisent chaque année aux vacances. Elle n’a pas encore refermé le portillon par où elle vient de passer. Entre deux piliers de granit qui rappelle la façade sombre et massive, la barrière blanche doit être manipulée avec prudence. Le front de mer la ronge irrémédiablement. Il faudra encore la repeindre. La franchir le vélo à la main a pourtant à peine altéré la fluidité de sa manœuvre. Une fois le portail refermé, la villa est soustraite aux regards des vacanciers à cause du rouleau de bruyères qu’ils ont accroché au grillage par-dessus le mur. Mais si on veut maintenir l’opacité, il faut en rajouter une couche tous les trois ou quatre ans, à cause des tempêtes. C’est l’inconvénient du front de mer. Tu sais, elle dit, maintenant il faut y aller  avec lui, parce qu’il ne peut plus conduire. Il pourrait, mais il a peur. Il faut ensuite aller le rechercher. Alors tu imagines sortir en mer avec le bateau, la mise à l’eau et toute l’opération à la fin en sens inverse. On le vendra sûrement un jour, mais pour le moment, c’est trop tôt. Il ne supporterait pas l’idée. On attend. Mais c’est de plus en plus lourd. L’autre acquiesce. Elle comprend. Elle vient chaque année en camping depuis qu’au décès de ses grands-parents leur maison en préfa a été vendue. On dit qu’elle va être rasée par ceux qui ont acheté… Qui voulaient le terrain, son emplacement et rien d’autre. Tout refaire à neuf, c’est ce qui les intéressait. Tout détruire, c’était plus simple, tu comprends.

Audio : écouter plutôt que lire…

La chaumière – Voix de Julie (Voix robotisée de Microsoft)

Mon intention :

Pour continuer mon travail Le nom qu’on leur a donné… Résidences secondaires d’une station balnéaire de la Manche.

Une photo par jour, c’était sur ma page La vie en face ne vous déplaise | Facebook. J’avais volontairement laissé hors champ la villa. Parce que, avais-je écrit, « à regarder seulement la photo du nom de baptême, c’était comme regarder par le trou de la serrure et depuis ne rien voir, inventer, on pouvait ». C’est donc ce que je fais ici : pour chaque nom un bout de leur histoire dévoilé.

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