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Autoroute de Sébastien Bailly aux éditions Le Tripode

1. Partir – lecture de la première page

Je suis jalouse. Jalouse et furieuse. Tout au long de ma lecture. Cette oscillation permanente entre ces sentiments mêlés ne rend pas la lecture confortable. Avec en sus une admiration sans bornes. Je traque la phrase bancale qui déséquilibrerait l’édifice, le chapitre superflu, le passage qui lasse, suscite un brin d’ennui, provoque l’envie de sauter quelques lignes. Rien. Chaque nouvelle idée accroche, accroit mon intérêt, parce qu’elles sont nombreuses, ces idées, toutes celles qui passent par la tête de cet homme dont il n’a résolument pas voulu faire un héros, juste un homme amoureux (mais est-ce un homme ou une femme ? Même de cela on n’est pas sûr) qui prend sa voiture et prend la route, la fuite, sa vie en main, quitte, part, sans trop de certitude quant à ce qu’il va trouver à l’arrivée, si on va l’accueillir en retour. Des chapitres courts avec des titres – verbes à l’infinitif – qui engagent le lecteur comme le conducteur d’un ronronnement de moteur bien réglé. Et alors il y a chez cet auteur une façon particulière de jouer de subterfuge aussi bien que le meilleur des contorsionnistes : chaque fois que le lecteur croit avoir découvert un détail qui permettrait de cerner le personnage principal et celui pour qui il part, ou mieux encore un détail plus personnel quant à l’histoire racontée, une précision autobiographique de l’auteur, la phrase suivante le déséquilibre, se rit de sa naïveté, le voici obligé de reprendre de la hauteur, parce que l’auteur écrivait en général bien sûr ou alors livre juste le contraire de ce qu’il vient d’affirmer. Jamais l’auteur ne nous laisse nous installer dans une histoire bien ficelée, ces personnages fluctuent sans cesse, il les floute volontairement, comme dans les photos d’art. Oui, la façon de nous tenir proche et à distance de ces personnages tient du grand art, c’est indéniable.

Bref voici un deuxième « roman », qui n’en est pas un, pas véritablement, et certes on pourrait avoir envie de le lire en une fois, mais ce serait dommage de ne pas s’octroyer des pauses, comme lorsqu’on prend sa voiture sans avoir un horaire, on part et on peut s’écarter du plus court chemin, garer son véhicule sur la place de l’église d’un village dont on n’a jamais entendu le nom, même si toutes les églises ont fermé leur porte, et que celle-ci ne nous laissera pas non plus entrer admirer son chœur sans qu’on se soit annoncé, annoncé à qui, où donc loge le curé, le presbytère est abandonné, à moins qu’on n’ait décidé de faire un petit somme sur une aire d’autoroute, déserte à cette heure et on ne dormira que d’un œil, regrettant de n’avoir pas choisi la station d’essence précédente, -la jalousie, vous dis-je, moi aussi j’aurais aimer écrire cela si j’avais eu l’idée avant lui, comme il l’écrit, François Bon, dans la phrase en exergue du livre : «  Chacun devrait pouvoir publier son propre livre qui s’appelle Autoroute. Ce serait pas une belle affaire, ça ? ».

Alors pour calmer ma jalousie, je pourrais me dire que ce n’est qu’un livre réussi, rien de plus, sauf que je pressens que l’auteur construit son œuvre, depuis le travail qu’il a publié sur son blog à propos de réclames illustrées des grandes surfaces que nous recevons dans nos boîtes aux lettres. Durant une année chaque jour que Dieu fait, il a écrit un récit à propos d’un de ces objets en promotion à côté de sa photo. À consulter ici. Le Catalogue 2022 – Sébastien Bailly

Quant à son premier roman, si vous ne l’avez pas lu, des extraits se trouvent sur mon blog ici.

Le coin lecture – L’impermanence des traces

Alors certes le travail de l’éditeur pourrait pécher, n’être pas à la hauteur du premier avec une présentation moins réussie. Il était difficile de faire aussi bien, et pourtant Le Tripode y est parvenu.

20. Aimer – extrait

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