Le coin lecture

Filière de femmes d’Anna Jouy,

aux Editions SANS ESCALE

Je l’avais entendue à un des zooms Tierslivre lorsque François l’avait invitée à venir présenter son dernier livre « Filière de femmes ». Ce thème a occupé ou occupe beaucoup des écrivaines du groupe, écrire sur celles avant nous, mère, belle-mère, de la lignée paternelle ou maternelle… Elle en parlait très bien, révélait l’existence d’un secret familial. J’avais eu très envie d’acheter ce livre, m’étais rendue sur le site de l’éditeur et puis… et puis… la vie… le temps.

Certes Anna n’avait plus rien à prouver, depuis longtemps elle était une poétesse reconnue et publiée.

J’apprends qu’Anna n’est plus… Je regrette de n’avoir pas cédé à l’envie forte de lire son livre. Il est trop tard pour lui faire un retour, mais pas pour la lire. Le livre est arrivé, une très jolie couverture qui disait broderie et délicatesse, à rabats, une édition parfaite pour cet ouvrage[1] et j’ai suivi dans l’ordre la lignée de ces femmes avant Anna : Hyacinthe-Céline, Maria Agathe, Emma, Thérèse, Berthe et Marguerite.

Première page de Filière de femmes – Extrait de La lignée des femmes – Voix d’Anne Dejardin

Je veux écrire ce matin sur ce livre que j’ai raté à sa sortie. Maintenant qu’il m’a brûlé les mains, la tête, le ventre, que je l’aime infiniment, que je lui suis reconnaissante d’exister, d’être beau à tenir ouvert ou fermé, je veux choisir un ou deux extraits. Je veux lire à voix haute la première page. Pour le bonheur de rouler ses mots dans ma bouche. Pour ce projet de marchande des premières pages sur YouTube. Pour poser l’audio sur un article de mon blog. Pour honorer. Mais après la première page, il faut que je poursuive la lecture au verso. Ensuite j’ouvre au hasard et où que se pose mes yeux, cela mérite d’être présenté sur mon blog, recopier, photographier ou lu. Anna, je la croyais poétesse. Elle est aussi écrivaine de prose narrative tendance poétique. Chaque mot est réfléchi et fait mouche, nous assigne à apporter notre présence de tous nos sens, nous sommes dans les lieux de ceux d’avant avec eux, dans la maison Maillard. Un livre que je conseille à toutes les femmes comme à toutes les écrivaines qui ont décidé d’aller interroger toutes les femmes avant elles dans une imbrication de ventre comme matriochka.

La « maison » Maillard – Extrait
Emma, à saute-ventre – Extrait

Dans un dernier message qu’Anh Mat qui lui était adressé, Anna Jouy écrit « […] je veux qu’on me traverse moi, qu’on entre dans mon corps comme dans un univers aussi. » Avec ce dernier livre « Filière de femmes », c’est ce qu’elle rend possible.

Anna Jouy avait inventé le mot, ami.e.s d’écriture, si bien trouvé et pour mes ami.e.s d’écriture, je veux recopier ici un extrait de la lettre à Anna Jouy que Anh Mat a publiée sur son Patreon Les nuits échouées et dans la revue numérique Les cosaques des frontières, parce que même si elles l’ont déjà lue ailleurs, il est toujours bon de lire à nouveau cet extrait tant il traduit bien ce qui nous rassemble :

« […] On a tant échangé autour de la difficulté à continuer, d’avoir perdu l’écriture comme on perd ses clés — on sait qu’elle est là, dans la pièce, mais on ne la retrouve pas. Ou bien parce que si peu lue : à quoi bon écrire dans l’indifférence générale ? À quoi bon chercher à écrire des livres qui ne seront jamais publiés ? Nous avons souvent échangé autour de la publication, de la reconnaissance. Et même toi qui as publié romans, théâtre, poèmes, dans différentes maisons d’éditions, ce manque de reconnaissance te faisait souffrir. Mais vers la fin, tu m’avais dit : « nous ne sommes peut-être pas des auteurs destinés au livre mais à l’écrit. »

Par cette dernière lecture à voix haute, tu m’apprends finalement qu’il n’y a pas de raison de ne pas écrire. L’écriture nous précède, elle nous préexistait et nous survivra. Elle est en nous jusqu’à notre dernier souffle. Même sans livre, sans raison, sans espoir, nous demeurons traversés par ce qui nous pousse à mettre en mots l’incommunicable. Et jusqu’au dernier souffle, nous servons l’écriture. »

Extrait de la lettre d’Anh Mat à Anna Jouy

En intégralité dans  https://www.patreon.com/AnhMat  (les jours échoués 57 (avec Anna Jouy))

Ou dans la revue numérique Les Cosaques des Frontières :  Anh Mat – A La Mémoire d’Anna Jouy | Les Cosaques des Frontières


[1] – » La maison d’édition Sans Escale est née d’une ambition démesurée et d’un projet simple : éditer des auteurs exigeants, pleins de songes et de troubles, qui ont parfois dessiné, sur le coin d’un neurone, une gomme à effacer les littératures molles.

Nous souhaitons publier des textes forts, énergiques jusqu’à la polémique mais aussi des livres ardents, poétiques, très éloignés de la pelle à tarte des dimanches et de la dyspepsie.

[…] Nos auteurs sont extrêmement divers, confirmés ou néophytes dans le monde de l’édition. Une chose est sûre : ils sont vivants. Nous ne déterrons pas les cadavres. « Le risque, avant le cimetière » est notre devise. » »

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