#03 La belle étoile
Le nom qu’on leur a donné… Résidences secondaires.
La villa est plus ancienne que la plaque et comment j’avais senti qu’il y avait là quelque chose qui méritait d’être creusé. Qui avait choisi le nom ? Qui l’avait accrochée ? En quelle année ? Je n’avais reçu que des réponses évasives. Tout un été j’avais parlé de la villa comme d’une figure humaine qui aurait eu un prénom. Ostensiblement et d’une voix forte, malgré les remontrances que ce manque de discrétion m’attirait lorsque nous étions tous sur la plage, je disais je rentre chercher mon livre à La belle étoile, La belle étoile va me manquer en septembre, je crois que La belle étoile s’ennuie de nous en hiver, on pourrait visiter La belle étoile à Noël, le vent et le froid, elle n’aime pas ça, La belle étoile, et je guettais le visage de ma tante. J’avais remarqué que c’était elle la plus gênée sans que je puisse mener plus avant mon enquête. Puis j’avais grandi et je n’y avais plus pensé. Il avait fallu la mort de son mari pour qu’elle s’oublie, le choc émotionnel la première fois qu’elle y revenait après son décès, les yeux qu’elle avait levés vers la plaque en céramique aux bords bleus que le temps n’avait pu altérer. Comme j’avais été fâchée, avait-elle dit, de ce qu’il croyait être une belle surprise, ce nom affiché au fronton sans m’en parler ! À cause de ce que nous avions fait sur la plage une nuit que nous avions échappé à la surveillance de nos parents. Ça ne se faisait pas à l’époque, tu sais. Ce n’était pas comme maintenant. Lui avait juste dit en souvenir et levé le bras vers l’inscription toute neuve et il avait cligné des deux yeux, tu te souviens, c’était sa façon à lui, il fermait les deux yeux, pas un seul. Puis elle avait pleuré et j’avais dû la prendre dans mes bras. Toutes les autres questions qui me viendraient à ce propos resteraient sans réponse. Les grains de sable qui frottent la peau comme papier émeri, c’était toujours à ça que je pensais en premier. À la peau de ma tante, qui rougissait si vite, quand elle était encore jeune. Et si c’était juste en bas pratiquement sous les fenêtres de La belle étoile que ça s’était passé…
Audio, écouter plutôt que lire…
Mon intention :
Une photo par jour, c’était sur ma page La vie en face ne vous déplaise | Facebook. J’avais volontairement laissé hors champ la villa. Parce que, avais-je écrit, « à regarder seulement la photo du nom de baptême, c’était comme regarder par le trou de la serrure et depuis ne rien voir, inventer, on pouvait ». C’est donc ce que je fais ici : pour chaque nom un bout de leur histoire dévoilé.