#32 Le phare bleu.
Le nom qu’on leur a donné… Résidences secondaires de la Manche (suite)
Il sera bien là. Un sas de décompression. Avant d’affronter la suite. Un retour en France après huit années. Son frère lui a loué une chambre tout en haut de cette villa. La seule à ne pas porter de nom. Juste un phare bleu peint sur le blanc de la boîte aux lettres. Une modestie qui convient à son tempérament. Il sera bien là. Il a loué pour quinze jours. Il vivra face à la mer dans une toute petite chambre. Il pourra travailler. Continuer ses vidéos YouTube.
Il lui parle, à haute voix dans le micro, il lui parle, il s’adresse à elle partie. A elle il dit les mots qu’il écrit, les mots qui parlent d’elle, de son absence, il lui donne présence, à cette éternelle absentée. On bute sans cesse sur ce départ raconté inexpliqué on attend la raison qui effacerait peut-être le désir qu’on a de comprendre pourquoi. On lui a donné tous les traits tour à tour brune ou blonde, jeune bien sûr, sauf que toutes ces années à lui parler, lui écrire, ont bien dû la vieillir, effacer le lisse, la marquer un peu, la chiffonner, le temps écoulé à mettre des mots sur ce qu’elle lui a laissé, n’a pas altéré la puissance de ce qu’il crie vers elle, et cette solitude comme une condamnation je ne l’ai pas rêvée… Il lui parle, il la rêve, il nous la rend proche à presque la toucher et au dernier moment il l’arrache, il faudra s’en passer, juste l‘écouter en parler, lui parler, il lui parle, à haute voix dans le micro, parfois l’image prend le dessus et les mots qu’il a inventés perdent existence, parfois les mots captent l’attention au détriment des couleurs de l’écran, cette image ou une autre, le vélomoteur dans la nuit de la ville surpeuplée sans personne pour y marcher, des murs aux couleurs improbables, on attend qu’elle affiche son visage à l’écran, au moins sa silhouette, qu’elle se dévoile, qu’il nous la donne en pâture, l’infidèle, l’innocente qui se joue de lui, sourde à son appel, sa détresse, il lui parle, à haute voix dans le micro et c’est comme dessiner à la gomme arabique ou sur le sable son visage. Elle est là et pas là, c’est les deux à la fois. L’écriture.
Un phare qui se dresse qui accroche le perdu qui rappelle au port, à bon port, ce qu’il n’a jamais eu, un port bon, un lieu sûr, ouvert mais sûr, qui laisse partir et revenir, c’est à cause de ce dessin du phare bleu sur la boîte aux lettres qu’il a accepté de revenir, c’est ce que son frère a écrit en lui envoyant la photo, je crois que tu y seras bien, il a épinglé le mail avec la photo en document joint, il est venu la regarder plusieurs fois avant de lui répondre que oui, il viendrait au printemps. Il est dans cette chambre à présent face à la fenêtre, son regard surplombe la mer, il est le phare bleu.
Ils l’écoutent leur parler à haute voix dans le micro. Sa traque n’a pas de fin. Une vidéo de LittéraTube après l’autre, comme une addiction, elles l’écoutent leur parler à haute voix dans le micro. Sans se connaître. Ami.es d’écriture, c’est le nom qu’il leur donne.
Audio : écouter plutôt que lire…
Rebecca Armstrong écrit et enregistre des podcasts et vidéos.
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Mon intention :

Une photo par jour, c’était sur ma page La vie en face ne vous déplaise | Facebook. J’avais volontairement laissé hors champ la villa. Parce que, avais-je écrit, « à regarder seulement la photo du nom de baptême, c’était comme regarder par le trou de la serrure et depuis ne rien voir, inventer, on pouvait ». C’est donc ce que je fais ici : pour chaque nom un bout de leur histoire dévoilé.
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