#04 Favorite
Le nom qu’on leur a donné… Résidences secondaires (suite).
Dans une famille il y en a toujours une. Les parents prétendent que non, ils aiment tous leurs enfants pareil, ils le clament haut et fort. Alors pourquoi tant d’enfants à sentir qu’on leur préfère celui avant ou celui après. C’est aux enterrements que ça pète. Chez le notaire ou lorsqu’on vide la maison. Ceux qui ne veulent rien, ceux qui veulent tout. On commence par compter les nouilles dans l’assiette du voisin, disait la mère, quand un de ses enfants rouspétait, trouvait qu’elle lui avait servi une part plus petite qu’à son frère, et ça finit par des coups de feu aux enterrements. Ou chez le notaire, je ne sais plus. Je n’ai pas à me plaindre. Et peut-être est-ce pour cette raison que j’étais la préférée, parce que je ne me plaignais jamais. Mes parents me prenaient à part pour s’assurer que moi je ne demanderais pas un cadeau aussi cher que ma sœur. J’étais promue. Ils m’incluaient dans leur couple d’adultes. Faut les comprendre, c’était la fin de la guerre. Alors j’acquiesçais. J’ai eu tout en moins et jusqu’au bout, mais au final c’était du plus. Favorite ou préférée, c’est synonyme. C’est ce que mon père me disait, et même à voix haute l’affirmer devant mes frères et sœurs à la table de la salle à manger. On a un secret, Lily et moi, il disait. Le malaise et la joie et toujours les deux sentiments mêlés au fond de moi, la joie profonde et le malaise aussi. À peine descendue de la voiture de l’agent immobilier, la première chose que j’ai vue, c’est son nom, les lettres posées en arc de cercle et si lisibles, si éclatant. Je n’ai même pas eu besoin d’y entrer, j’ai su de suite que j’allais l’acheter. Elle aurait ce pouvoir de contrer le fracas du secret. Tant d’années après. Eux se sont juste étonnés, ont pris cela pour de la frivolité, te décider en vingt minutes, tu ne nous as pas habitués à ça, tant de désinvolture chez notre Lily, ils ont dit, ça ne te ressemble pas. J’ai gardé le silence. À quoi bon. Tout est affiché désormais. À peine besoin de lever les yeux.
Audio, écouter plutôt que lire…
Mon intention :
Une photo par jour, c’était sur ma page La vie en face ne vous déplaise | Facebook. J’avais volontairement laissé hors champ la villa. Parce que, avais-je écrit, « à regarder seulement la photo du nom de baptême, c’était comme regarder par le trou de la serrure et depuis ne rien voir, inventer, on pouvait ». C’est donc ce que je fais ici : pour chaque nom un bout de leur histoire dévoilé.
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