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#30 L’adresse.

Le nom qu’on leur a donné… Résidences secondaires (suite).

Est-ce qu’elle y avait pensé lorsqu’elle avait acheté en seulement vingt minutes, et se décider aussitôt la visite terminée, qu’elle avait faite seule, juste accompagnée de l’agent immobilier ? Parce qu’elle s’en souvient maintenant, c’était bien là qu’il l’avait déposée pour aller garer sa voiture, devant ce panneau bleu qui indiquait le nom de la rue, là aussi qu’une fois la visite terminée, il avait appelé le propriétaire pour lui demander s’il avait une idée du coût des réparations de la toiture. Le bois côté mer, qu’elle avait trouvé bien abîmé, l’inquiétait. L’agent banalisait : elles y passaient toutes, les maisons ici, la mer ronge même celles du troisième front de mer. Au milieu du bleu de la plaque, l’inscription encadrée d’un trait blanc, elle avait bien dû la remarquer, tandis qu’il laissait sonner son portable qu’il avait mis en haut parleur. Elle n’avait pas pu ne pas la lire ou alors inconsciemment voir son nom, et la faire surgir elle, parce que la rue portait bel et bien son nom, à elle, l’héroïne du roman qui attendait d’être achevé, qui attendrait bientôt un éditeur, cette jeune femme belle et fragile, sa coupe très courte qui lui donnait un air rebelle, et ses bagues de valeur, son mari pilote, les photos en noir et blanc qui accompagnaient les textes du blog et leur donnaient des physiques de stars du cinéma, ce surnom qu’il lui donnait, Pierrot, les textes publiés sur un blog arrivaient les uns après les autres, puis il y avait eu Pierrot au cimetière, quand on enterre son homme, le statut de tragédienne qu’elle endosse alors, Pierrot comme le nom de la rue et tout au bout la villa baptisée de même, Les Pierrots. Est-ce pour cette raison qu’elle s’était sentie à cet endroit debout à côté de la plaque bleue comme en terre amie, comme parler un langage commun. Après avoir raccroché l’agent immobilier avait demandé confirmation, il voulait être sûr, d’autres visites étaient prévues, la cliente précédente venait de se positionner… Oui, elle avait dit oui. En vingt minutes, visite comprise. 

Audio : écouter plutôt que lire…

L’adresse – Voix de Juliette Cortese

Retrouvez l’écrivaine, Juliette Cortese :

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Mon intention :

Pour continuer mon travail Le nom qu’on leur a donné… Résidences secondaires d’une station balnéaire de la Manche.

Une photo par jour, c’était sur ma page La vie en face ne vous déplaise | Facebook. J’avais volontairement laissé hors champ la villa. Parce que, avais-je écrit, « à regarder seulement la photo du nom de baptême, c’était comme regarder par le trou de la serrure et depuis ne rien voir, inventer, on pouvait ». C’est donc ce que je fais ici : pour chaque nom un bout de leur histoire dévoilé.

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5 Commentaires

    1. Grande émotion et crainte pour ce texte-là tout particulièrement, et la voix de Juliette si comme je me l’étais imaginée de la connaître bien et seulement de la voix. Et l’ensemble finalement. Reste la vidéo, bientôt.

  1. toujours ce « elle » lancinant qui donne corps et parole à la femme du récit, comment elle est habillée, ce qu’elle fait ou ne fait pas
    et toujours chez toi, derrière peu de lignes, l’immensité d’un récit possible qu’on aperçoit comme une zone plus claire et plus lisse sur l’horizon….

    1. J’aime bien ce que tu dis de l’ensemble des textes, ce que tu prélèves, ce que tu perçois, ton art de le trouver et de l’écrire. Merci, chère Françoise.

  2. Ma chère Anne, « Pierrot » j’aimerais presque ce prénom pour une femme l’amie de tous les amis…
    un peu surréaliste ce texte au mystère millimétré, je ne parle que sensation au-delà d’une écriture.
    A tout soudain
    Raymonde

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